Je crois que j’ai toujours voulu faire un métier manuel et technique. Très vite, j’ai été attirée par la chirurgie de la main, et j’ai eu la chance de pouvoir me spécialiser dans cette voie. Lors de mon internat, entre 2006 et 2012, j’ai découvert plusieurs services de chirurgie à Poitiers, La Rochelle, Angoulême… Puis j’ai rejoint le service de chirurgie de la main du CHU de Bordeaux qui m’intéressait particulièrement. En effet, alors que les services de chirurgie de la main sont souvent constitués principalement de chirurgiens orthopédistes, celui-ci est aussi composé de chirurgiens plasticiens. Les six mois en « inter-CHU » que j’ai passés à Bordeaux m’ont donné une vision un peu différente de la spécialité.
J’ai passé ma thèse en 2012 puis j’ai fait quatre ans de post-internat : deux ans en orthopédie et deux ans en chirurgie plastique. Cela m’a permis de découvrir d’autres outils et d’autres modalités de prise en charge, notamment aux urgences. J’ai rejoint le Groupe GBNA Santé en 2018 pour exercer à la Polyclinique Bordeaux Rive Droite (PBRD).
La chirurgie « froide » traite les pathologies dégénératives, traumatiques et rhumatologiques : arthrose, tendinites, séquelles d’accidents, kystes, déformations des doigts, de la main ou du poignet, tumeurs osseuses ou cutanées…
La chirurgie d’urgence concerne la traumatologie : plaies, fractures, entorses, brûlures, etc.
La chirurgie de la main est un domaine vaste en termes de pathologies, de tissus concernés (os, ligaments, cartilage, muscles, tendons, peau), et de patients : nous pouvons recevoir dans la même journée un jeune adolescent qui s’est tordu le doigt au sport, une personne âgée qui souffre d’arthrose, ou un travailleur manuel qui a la main endommagée après un accident. À ce sujet, il faut noter que les recommandations stipulent que toute plaie de la main qui a franchi le derme doit être vue par un chirurgien.
En chirurgie de la main, comme dans bien d’autres domaines, l’objectif est de réduire le plus possible le temps d’hospitalisation. Notre projet est de mettre en place un service spécialisé et dédié entièrement à la chirurgie de la main, comprenant au même endroit un accueil des « urgences mains » et un bloc opératoire. Il a vu le jour cette l’année.
L’idée est de mettre en place une prise en charge en « super-ambulatoire » : à son arrivée, le patient se change dans un sas, dépose ses affaires au vestiaire et se rend au bloc, où l’anesthésie est la plus légère possible. Après l’intervention, il passe un moment en salle de repos puis il rentre chez lui. Le tout en deux ou trois heures.
Ces progrès sont possibles car les anesthésies de plus en plus spécifiques. Nous pourrions comparer ce type d’intervention à l’extraction d’une dent de sagesse, ou à l’opération de la cataracte en ophtalmologie : l’intervention est courte et les suites opératoires ne nécessitent pas de surveillance en hospitalisation.
Le côté psychologique a aussi son importance dans ce type de prise en charge : le patient ne passe pas la nuit à l’hôpital, il ne perd pas ses repères et il est considéré comme une personne valide, autonome et active dans sa prise en charge.
Le développement de ces « circuits courts » facilite l’accès des patients traumatisés de la main à une consultation de chirurgie de la main et à un bloc dédié à ce type de trauma.
Je pense que tout l’enjeu des centres de chirurgie de la main réside dans le fait de pouvoir proposer une prise en charge rapide et efficace dans un cadre spécialisé pour diminuer les séquelles associées. C’est un objectif pour la santé du patient, bien sûr, mais aussi pour la société de façon générale, car cela permet de minimiser les conséquences socio-économiques (réduction des durées d’arrêt de travail, des risques d’invalidité et donc du coût pour la société). Retenons que les séquelles fonctionnelles d’une prise en charge inadaptée sont très souvent plus graves et plus difficiles à traiter que la pathologie originelle.
Cette prise en charge de qualité est possible grâce au travail d’une équipe pluridisciplinaire dans une structure dédiée : chirurgiens spécialisés, anesthésistes, kinésithérapeutes, et orthésistes (qui créent les attelles sur mesure et spécifiques aux pathologies).
La nouvelle technique qui se développe actuellement est appelée Walant (wide-awake local anesthesia no tourniquet). Elle est locale, donc elle ne bloque pas les contractions musculaires : le patient ne sent plus la zone opérée mais peut tout de même remuer la main, les doigts et le poignet. Les sensations sont conservées a minima pendant l’intervention, ce qui peut être un peu déroutant pour lui : si nécessaire, en cas de stress important, nous ajoutons une légère sédation.
Cette technique se développe de plus en plus. Elle a également l’avantage de bloquer temporairement les saignements, permettant d’opérer sans garrot. Elle est d’un grand secours dans les situations où la pose d’un garrot est contre-indiquée, diminuant ainsi les risques opératoires.
Par ailleurs, la prise en charge de l’arthrose du pouce (rhizarthrose) a connu d’énormes progrès récemment. Les prothèses de dernières générations, dérivant toutes d’une prothèse originelle de conception française, sont très performantes Elles ont permis de diminuer drastiquement les risques liés aux premiers implants. Dans ce domaine de la rhizarthrose, cette excellence technique française nous permet d’avoir une grande avance sur d’autres pays, dont les États-Unis.
L’hospitalisation de courte durée, ainsi que les nouvelles techniques d’anesthésie, sont particulièrement intéressantes dans ces situations. Les résultats postopératoires sont comparables à ceux d’une prothèse de hanche : la récupération fonctionnelle est excellente, la gêne fonctionnelle et la douleur sont supprimées et les patients sont généralement très satisfaits.
Cette technique et ses résultats sont encore trop peu connus. Ainsi, cette prothèse reste « sous-utilisée » (10 fois moins de poses que la prothèse de hanche). L’objectif des prochaines années est de faire découvrir cette technique aux médecins et aux patients pour que toutes les personnes qui en ont besoin puissent en bénéficier.
Le patient est au centre de sa prise en charge. Son information et son éducation sont primordiales. Nous mettons tout en œuvre pour qu’il comprenne les caractéristiques de sa pathologie et les enjeux de sa prise en charge. Il est indispensable que le patient soit impliqué et acteur de son rétablissement, en complément de l’intervention du chirurgien, du kinésithérapeute et de l’orthésiste, pour obtenir les meilleurs résultats.
Nous remarquons d’ailleurs que ce sont généralement les patients qui ont compris leur pathologie, qui savent pourquoi ils doivent faire leurs exercices de rééducation et porter leur orthèse, qui réalisent des progrès rapidement.
De façon générale, l’information du plus grand nombre est souhaitable : il faut rappeler qu’un traumatisme de la main nécessite un avis chirurgical dans un service spécialisé pour éviter la survenue de séquelles qui pourraient être dramatiques. Dans cet objectif, l’un des livrets de présentation des spécialités de la Polyclinique Bordeaux Rive Droite, à destination de nos collègues praticiens et aux patients, est consacré à la chirurgie de la main.
La Polyclinique Bordeaux Rive Droite prévoit aussi d’installer un pôle de consultation en Nord-Gironde, avec plusieurs spécialités dont la chirurgie de la main, afin d’être présents au plus près des lieux de vie et quadriller au mieux le territoire.
Le patient, placé au cœur de sa prise charge, doit être informé de manière complète et précise. Il s’agit de lui fournir les éléments et les explications nécessaires à sa prise de décision, afin qu’il ait la possibilité de poser des choix éclairés. En effet, la chirurgie de la main est fonctionnelle, mais pas vitale : l’indication opératoire est toujours « négociable ». Par exemple, certains patients préfèrent garder une gêne relative plutôt que de se faire opérer, ou attendre de savoir comment leur pathologie va évoluer avant de subir une intervention.
De façon générale, le rôle du chirurgien est aussi de contribuer à réduire le plus possible l’impact socio-économique des traumatismes et des lésions de la main et du poignet.