Les domaines d’intervention du néphrologue sont nombreux. Il faut savoir que le rein est un organe essentiel qui joue un rôle central dans toutes les maladies endémiques comme l’hypertension artérielle et le diabète. La néphrologie est ainsi une spécialité multiple qui traite de très nombreuses pathologies, de la « simple » lithiase (présence de calculs) jusqu’aux maladies auto-immunes rares. Elle est étroitement liée à l’endocrinologie (diabète) et à l’immunologie (transplantation), au fonctionnement du système cardiovasculaire, à la rhumatologie (manifestations articulaires et arthropathie), à l’équilibre métabolique, aux problématiques de réanimation en cas d’hyponatrémie… C’est une discipline complexe, mais passionnante !
L’activité de consultation et de conseil, également, est très importante et occupe une grande partie du temps médical. Nous réalisons plus de 5000 consultations par an, ce qui est considérable.
Le dépistage, l’information et la sensibilisation de la population générale ne sont pas assez développés en France.
C’est pourquoi la Journée mondiale du rein, dont l’édition 2022 a eu lieu le 10 mars dernier, vise à insister sur des principes simples de santé publique, car « Si vous ne vous occupez pas de vos reins, vos reins s’occuperont de vous un jour ou l’autre ». Il s’agit de bouger plus, surveiller sa tension artérielle, équilibrer son diabète le cas échéant, boire de l’eau régulièrement, manger sainement, etc. Il existe aussi une Semaine du rein qui permet de conduire des campagnes de dépistage. Nous y reviendrons.
Un autre enjeu de taille est celui de la prévention et de la prise en charge du diabète : aujourd’hui, 50 % des patients qui arrivent en dialyse sont diabétiques.
Nous devons aussi poursuivre l’accès privilégié à la transplantation, en particulier celle à partir de donneur vivant apparenté, et si possible de façon pré-emptive, c’est-à-dire avant que le stade de la maladie impose une dialyse. C’est essentiel pour améliorer les résultats de la transplantation.
Si le patient doit être placé en dialyse, nous faisons en sorte de personnaliser les soins le plus possible, de nous rapprocher de son lieu de vie grâce à la mise en place d’antennes locales, de favoriser son confort et la tolérance au traitement.
Nous avons les moyens de ralentir la pathologie d’un patient à partir du moment où la prise en charge est précoce : il faut informer largement à ce sujet. Mais une fois que l’insuffisance rénale chronique est déclarée, il est souvent trop tard pour faire marche arrière…
Le dépistage en matière de cancers est maintenant assez bien installé, mais nous manquons encore de sensibilisation aux maladies du rein, alors que 5 ou 6 messages clés suffisent ! Il est essentiel d’informer le plus grand nombre, ce qui éviterait de recevoir aux urgences des malades en insuffisance rénale terminale qui auraient pu être dépistés et traités précocement. Cette année, la Journée mondiale du rein avait justement pour thème « Comblons les lacunes en matière de connaissances pour un meilleur traitement des maladies rénales » . La Semaine du rein a de plus pour objectif de proposer des dépistages dans de nombreux centres.
La dialyse de proximité et individualisée est aussi une avancée. Le développement du « hors centre » (c’est-à-dire hors polycliniques) est maintenant une réalité, avec l’installation d’unités de dialyse médicalisée (UDM) mais aussi d’antennes d’auto-dialyse et l’organisation de la dialyse à domicile.
Les antennes d’auto-dialyse sont implantées dans des zones rurales souvent éloignées des centres hospitaliers (Blaye, Castelnau-de-Médoc, Langoiran), ce qui permet au patient de réaliser ses dialyses plus près de chez lui. Ce sont aussi des lieux de consultation.
La dialyse à domicile demande une prise en charge particulière, dans les conditions de vie du patient, ainsi que du personnel formé. De façon plus large, nous sommes d’ailleurs en train de créer une Unité de maintien du patient insuffisant rénal à domicile (UMID). C’est un vrai progrès qui bénéficie aux patients en hémodialyse ou en dialyse péritonéale, mais aussi les non dialysés : souvent des personnes dont l’état est très fragile ou qui souffrent de comorbidités, qui ont un traitement conservateur afin de maintenir une fonction rénale aussi stable que possible. Cette possibilité de maintien à domicile se développe de plus en plus et, couplée aux systèmes de télésurveillance, elle offre plus de confort au patient et réduit le nombre de consultations de suivi au centre hospitalier.
Nous avons été l’un des premiers centres à mettre en place une gestion du taux d’hémoglobine mensuelle chez les patients dialysés, ce qui évite les suivis itératifs.
Nous sommes une équipe de néphrologues ayant chacun son domaine de prédilection et d’expertise : nutrition, immunologie, transplantation rénale, etc.
Nous participons au 7e volet de l’étude DOPPS (Dialysis Outcomes and Practices Patterns Study), qui est une vaste étude internationale de morbi-mortalité ayant pour objectif d’améliorer la survie et la qualité de vie des personnes en dialyse. Par ailleurs, nous sommes bien sûrs attentifs aux nouveaux protocoles de traitement issus de la recherche, et nous avons tout récemment inclus l’un de nos patients dans l’un d’eux, dédié au traitement de la maladie auto-immune.
En termes d’innovation, nous sommes aussi en train de monter une cellule d’aphérèse thérapeutique dans la nouvelle UDM qui vient d’ouvrir à la Polyclinique Bordeaux Nord en janvier dernier. L’aphérèse (plasmaphérèse, rhéophérèse) est une technique de circulation extracorporelle permettant d’épurer le plasma de toxines et de fluidifier le sang. C’est une véritable innovation qui demande un matériel très coûteux, et nous serons l’un des premiers centres privés à proposer cette technique.
Vous savez, un centre de dialyse comme le nôtre, de 40 postes, utilise en eau l’équivalent de 2 à 3 piscines olympiques par an : c’est énorme ! Les transports hospitaliers, qui utilisent des véhicules diesel pour leur immense majorité, sont très polluants. Et nous avons aussi des progrès à faire en matière de déchets, d’emballages, de gestion des consommables qui proviennent pour la moitié d’entre eux du continent asiatique. La dialyse nécessite énormément de matériel et il faut que nous soyons plus exigeants vis-à-vis de nos fournisseurs.
Avec la SFN, nous sommes en train de créer un score pour mesurer l’impact écologique des dialyses, afin de continuer à être performant tout en réduisant les conséquences sur l’environnement. Et j’ai le projet de monter une cellule de travail « Dialyse verte », qui regrouperait tout le personnel de façon transversale, de l’aide-soignante au néphrologue. L’équipe médicale et soignante de néphrologie a vraiment un rôle important à jouer dans ce domaine.
Par ailleurs, la dialyse au plus près des patients, qui réduit les transports, est aussi une manière de préserver l’environnement.
L’expertise médicale demande aussi de savoir se remettre en question, de savoir douter quand c’est nécessaire, de savoir partager, se former et s’informer. Les congrès, la formation continue, les webinaires, etc., sont importants. Et l’écoute du patient bien sûr, qui est très utile aussi pour se former !