Dr François Franques : « L’endosleeve, un véritable progrès pour la prise en charge de l’obésité »

29 Avr 2024

L’endosleeve permet la réalisation de suture par voie endoscopique au sein de l’estomac, afin d’obtenir une diminution du volume gastrique
Le Dr François Franques est gastro-entérologue à la Polyclinique Bordeaux Rive Droite, spécialisé en endoscopie interventionnelle. Il explique en quoi celle-ci a constitué une avancée majeure dans le traitement de certaines pathologies digestives, comme la résection de volumineux polypes et de certaines tumeurs, en devenant une alternative moins invasive à la chirurgie. Le développement de l’endosleeve s’intègre dans cette dynamique pour la prise en charge des patients atteints d’obésité.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?
J’ai commencé mes études de médecine à la faculté de médecine de Toulouse Rangueil ; j’ai fait mon internat et mon post-internat en hépato-gastro-entérologie au CHU de Bordeaux. Je me suis installé en tant que gastro-entérologue à la Polyclinique Bordeaux Rive Droite (PBRD) en 2018. J’ai eu l’opportunité de pouvoir créer et développer l’activité d’endoscopie interventionnelle, qui n’existait pas encore au sein de la polyclinique. L’endoscopie interventionnelle représente un progrès considérable car elle a apporté aux patients des solutions diagnostiques et thérapeutiques qui ont sensiblement modifié le pronostic de certaines maladies
Pourquoi avez-vous choisi la gastro-entérologie ?
J’ai été attiré par la gastro-entérologie car il s’agit d’une spécialité qui prend en charge tous les patients, hommes ou femmes, jeunes ou âgés, et qui concerne une grande variété de pathologies et d’actes techniques. De plus, la gastro-entérologie est une discipline qui permet de suivre le patient du diagnostic au traitement en passant par les explorations spécifiques. Enfin, elle permet de travailler en collaboration et en équipe avec d’autres spécialités comme la chirurgie, la radiologie, l’anesthésie, la réanimation ou encore l’anatomopathologie et la biologie moléculaire.
Aujourd’hui, quels sont vos domaines d’intervention ?
Comme tout gastro-entérologue, je prends en charge les pathologies digestives classiques comme le reflux gastro-œsophagien, les gastrites, les troubles intestinaux, les maladies inflammatoires de l’intestin (MICI), les maladies du foie… En outre, dans le cadre de ma sur-spécialité d’endoscopie interventionnelle, je suis amené à traiter des pathologies plus spécifiques telles que l’achalasie œsophagienne, les polypes et certaines tumeurs du tube digestif, et aussi des affections pancréatiques ou biliaires (pancréatite, calculs du cholédoque). La fibroscopie œso-gastro-duodénale, la coloscopie, le cathétérisme des voies biliaires et l’écho-endoscopie sont les gestes techniques que je pratique régulièrement et qui permettent de réaliser des interventions innovantes comme la dissection sous-muqueuse, la POEM ou encore l’endosleeve.
Le cathétérisme des voies biliaires et l’écho-endoscopie font maintenant partie des gestes techniques usuels
Occupez-vous des fonctions dans des sociétés savantes ?  
Je suis membre de la commission endoscopie du Club de réflexion des cabinets et groupes d’hépato-gastroentérologie (CREGG).
Quelles sont les innovations les plus marquantes aujourd’hui pour votre exercice ?
L’endoscopie interventionnelle a connu un développement très important au cours de ces dernières années.
Plusieurs innovations sont particulièrement intéressantes : la dissection sous-muqueuse, la POEM et l’endosleeve.
La dissection sous-muqueuse est un geste thérapeutique récent que nous pratiquons de façon courante dans le service. Elle permet la résection endoscopique de polypes volumineux et de certaines tumeurs au niveau de l’estomac, du côlon ou du rectum.
La POEM est un traitement efficace de l’achalasie (trouble moteur de l’œsophage ayant un retentissement considérable sur la qualité de vie des patients et dont les symptômes sont une importante gêne à la déglutition, des régurgitations alimentaires, des douleurs thoraciques et une perte de poids). Cette intervention endoscopique consiste en la création d’un tunnel dans la paroi de l’œsophage jusqu’à la jonction avec l’estomac, puis en la réalisation d’une incision d’une dizaine de centimètres dans la couche musculaire superficielle de l’œsophage (circulaire interne) afin de restaurer la capacité de propulsion des aliments de l’œsophage à l’estomac. Cela améliore nettement la qualité de vie des patients. Ces interventions endoscopiques mini-invasives ne nécessitent pas de laparotomie, limitent les complications postopératoires, et réduisent la durée de l’hospitalisation et de la convalescence.
En quoi consiste l’endosleeve et quelle est la place de votre discipline dans le domaine de l’obésité en général ? 
L’un des enjeux actuels en matière de santé publique, en France et dans le monde, réside effectivement dans la prise en charge de l’obésité, dont l’incidence augmente fortement depuis une vingtaine d’années. L’obésité, définie par un IMC supérieur à 30, est responsable de nombreuses complications : maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle, diabète, arthrose des membres inférieurs… La prise en charge est complexe et la perte de poids est souvent difficile à obtenir, pour de multiples raisons. En sus des règles hygiéno-diététiques, afin d’obtenir une réduction pondérale, certains patients doivent avoir recours à une chirurgie bariatrique tels le by-pass ou la sleeve-gastrectomy (patient ayant un IMC supérieur à 35 avec comorbidités, ou un IMC supérieur à 40). Ces gestes donnent de bons résultats mais, comme tout acte chirurgical, ils peuvent engendrer des complications, comme des fistules, qui sont une complication redoutée de la sleeve chirurgicale. L’endosleeve (ou sleeve endoscopique) constitue une alternative à la sleeve-gastrectomy ; elle peut être proposée à partir d’un IMC supérieur à 30 seulement.
Il s’agit, en passant par les voies naturelles, de réaliser des sutures gastriques directement dans l’estomac, ce qui permet de diminuer le volume gastrique fonctionnel ; il s’ensuit un ralentissement de la vidange gastrique et une sensation de de satiété précoce. Cette intervention ne génère pas de modification anatomique de l’estomac. Elle se pratique sans ouverture de la paroi abdominale et de ce fait, le risque de complications est très faible, en particulier celui de fistule. De plus, l’endosleeve facilite un rétablissement rapide du patient, avec une seule nuit d’hospitalisation dans la plupart des cas. Elle est réversible sans séquelle, ce qui est fondamental. En cas de perte d’efficacité de l’endosleeve, une chirurgie bariatrique reste possible ; de même, elle peut faire suite à une chirurgie bariatrique si le résultat est insuffisant.
La prise en charge de l’obésité est globale et multidisciplinaire : l’intervention réalisée par le chirurgien ou le gastroentérologue ne se suffit pas à elle seule et d’ailleurs, le parcours de soins prévoit l’accompagnement par un diététicien et un psychologue, la pratique d’activités physiques adaptées et, si besoin, des consultations médicales spécialisées (endocrinologie, cardiologie, pneumologie, …) avant et après l’intervention. Le suivi reste nécessaire pour une efficacité optimale sur la perte de poids.
Que diriez-vous de la place du patient dans votre domaine ?
De manière générale, le patient a une place essentielle dans la prise en charge de sa maladie.
Spécifiquement pour la prise en charge bariatrique, la technique seule ne suffit pas : il est nécessaire que le patient soit impliqué dans son suivi, qu’il ait compris l’intervention et qu’il adhère aux règles hygiéno-diététiques de manière pérenne. Les intervenants du parcours pluridisciplinaire l’accompagnent et lui apportent un soutien pour qu’il conserve sa motivation.
Quels sont les sujets de recherche actuels et les perspectives dans votre discipline ?
De nouvelles techniques endoscopiques sont à l’étude actuellement, notamment dans la prise en charge endoscopique du reflux gastro-œsophagien, ou encore, dans le domaine bariatrique, pour la réalisation d’un bypass par voie endoscopique. Et d’autres innovations vont voir le jour car l’endoscopie est une technique en perpétuelle évolution.
De nouvelles thérapeutiques médicales vont aussi être disponibles, notamment dans la prise en charge des MICI (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique).
Nous utilisons des techniques innovantes et encore très peu développées, comme la dissection sous-muqueuse ou la POEM
Quels sont les projets que vous souhaitez développer dans les années qui viennent ? 

Notre équipe de gastro-entérologues de la Polyclinique Bordeaux Rive Droite s’étoffe au fil des ans avec des praticiens aux sur-spécialités complémentaires : endoscopie interventionnelle (avec une activité en forte hausse), hépatologie, maladies fonctionnelles du tube digestif et oncologie digestive.

Quel est selon vous le rôle du gastro-entérologue dans la société ?  
Le gastro-entérologue détient un rôle fondamental dans le dépistage et/ou le diagnostic des cancers digestifs.
L’occasion m’est ici donnée de rappeler qu’en cas d’antécédent familial de cancer colorectal ou de polype, il faut consulter un gastro-entérologue pour pratiquer une coloscopie. Par ailleurs, sans antécédent familial ou personnel de cancer colorectal, il faut rappeler l’importance de réaliser un test de recherche de sang dans les selles tous les 2 ans à partir de 50 ans et qu’il convient, dans ce cas, de consulter son médecin traitant ou son gastro-entérologue.
Pour ce qui concerne plus particulièrement l’obésité, qui est aussi un problème de santé publique, le gastro-entérologue, notamment par la réalisation de l’endosleeve, est un acteur qui a une place spécifique dans la prise en charge.
Que représente pour vous « l’excellence médicale » ?
L’excellence médicale est française !… Nous avons le privilège d’avoir accès à une médecine de pointe, avec des ressources exceptionnelles en termes de traitements, d’équipements, de personnels et de structures. La formation médicale est excellente en France, avec un apprentissage progressif, théorique et pratique, pendant la formation hospitalo-universitaire puis tout au long de notre exercice. L’excellence, c’est aussi un travail d’équipe, et il faudra que des solutions soient trouvées pour répondre aux problèmes actuels de fonctionnement des établissements de santé.
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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky