J’ai exercé pendant deux ans à temps plein en neurochirurgie pédiatrique, où j’ai eu l’occasion de pratiquer de nombreuses interventions de chirurgie de reconstruction complexe du crâne et de la face.
Je suis devenu interne en neurochirurgie en 1997, puis chef de clinique pendant 4 ans. En parallèle, j’ai suivi un DEA en biologie moléculaire puis j’ai passé un doctorat dans ce domaine en plus de mon doctorat de médecine.
J’ai alors exercé trois mi-temps : un en neurochirurgie cérébrale, un en chirurgie du rachis, et j’étais responsable d’un laboratoire de recherche en immunothérapie cérébrale, où nous nous occupions principalement du lymphome oculaire et cérébral. J’ai même passé des diplômes vétérinaires pour pouvoir être responsable de l’animalerie expérimentale du laboratoire. Au total, j’ai un doctorat en médecine, un doctorat en biologie moléculaire, un autre en immunothérapie, l’habilitation à diriger des recherches et des diplômes vétérinaires.
En 2016, je suis devenu praticien hospitalier au CHU de Lille. Au fur et à mesure des années, je me suis aperçu que je faisais beaucoup de biologie moléculaire, j’étais contraint par de nombreuses tâches administratives, je réalisais un gros volume d’interventions de chirurgie, mais sans rencontrer aucun de mes patients puisque c’étaient les internes qui s’occupaient de toutes les consultations. Or, je ne voulais pas être seulement un « technicien de la médecine »… En 2019, je me suis installé à la Polyclinique de Navarre à Pau, où la pratique de la médecine est telle que je la conçois et où je peux exercer dans l’ensemble des domaines de la neurochirurgie.
Pour moi, la neurochirurgie est une passion. Je suis passionné par mon métier qui regroupe tout ce que j’ai toujours souhaité : le côté humain de soulager la souffrance des autres, le caractère palpitant et gratifiant de la chirurgie, le côté intellectuel quand nous discutons de cas complexes entre collègues, le côté technologique et innovant des avancées de la recherche…
L’équipe comporte 5 neurochirurgiens et nous avons l’expertise pour toutes ces pathologies. Nous prenons en charge à la fois les urgences de toute la région (fracture du crâne ou de la colonne, hydrocéphalie aiguë, etc.) et les pathologies « froides » pour lesquelles les patients nous sont adressés par leur neurologue ou leur cancérologue : méningiome, métastases, etc.
Il faut savoir que la Polyclinique de Navarre fait partie des rares cliniques françaises qui bénéficient d’une autorisation de pratiquer la chirurgie cérébrale. Nous sommes équipés de matériel de pointe pour traiter toutes sortes de pathologies : microscope à fluorescence, neuronavigation, bistouri à ultra-sons, endoscope rachidien de dernière génération, etc. Comme notre structure est relativement étendue, le volume et la diversité des interventions pratiquées nous permettent de disposer de tout le matériel dont nous avons besoin. Nous sommes même mieux équipés que dans certains CHU…
Ce travail en complémentarité est vraiment essentiel : aujourd’hui, il n’est plus question que le chirurgien travaille seul. Nous prenons en charge les patients de façon collégiale et coordonnée.
En chirurgie de la scoliose, nous pratiquons des opérations à quatre mains avec le Dr Mohamed Allaoui , chirurgien de référence dans ce domaine. C’est intéressant car l’intervention dure moins longtemps, les saignements sont donc moins abondants et les suites opératoires plus simples pour le patient. Pour les chirurgiens c’est une bonne chose aussi, car l’intervention sur une scoliose est assez « physique » et fatigante : il est plus confortable de réaliser ce type d’opérations à deux, plutôt que seul pendant 5 ou 6 heures.
Les échanges dans l’équipe sont très riches : par exemple, le Dr Allaoui est spécialisé en chirurgie de la scoliose et moi-même en neuro-oncologie, chirurgie endoscopique du cerveau et pathologies neurologiques. Nos échanges d’expériences sont intéressants pour chacun d’entre nous. Nous discutons des dossiers collégialement pour que l’expérience de chacun profite à tous.
Images extraites du dossier technique réalisé avec FINCERAMICA pour la chirurgie front-orbitaire
La chirurgie est de plus en plus mini-invasive, ce qui permet de réduire considérablement les difficultés péri-opératoires pour les patients. Aujourd’hui, en cas de hernie discale, nous pratiquons une incision de seulement 18 mm de haut, ce qui est un réel progrès. Cela a grandement facilité la chirurgie en ambulatoire.
Les chirurgies lombaires par voie antérieure, pratiquées depuis une dizaine d’années, aident à une récupération plus rapide. En passant entre les muscles abdominaux et en réclinant les intestins, le chirurgien parvient directement à la colonne, sans avoir à intervenir sur les muscles érecteurs du rachis comme c’est le cas lors d’une intervention par voie postérieure. Le lever du patient est ainsi plus précoce et la récupération est plus rapide.
La fluorescence cérébrale a aussi constitué un progrès notable en rendant possible la visualisation des tumeurs. Nous avons été la première clinique et le 3e établissement de santé, en France, à en disposer. En effet, les tumeurs cérébrales étant invisibles à l’œil nu, le chirurgien était jusqu’alors en difficulté pour les cerner précisément, d’autant plus que leur forme est souvent très complexe. Le principe de fluorescence repose sur le fait que les cellules tumorales sont « gourmandes » métaboliquement, à la différence des autres cellules cérébrales. Il s’agit donc, avant l’intervention, de faire avaler au patient des sucres contenant des électrons facilement excitables, puis, pendant l’intervention, après crâniotomie, de projeter une lumière polarisée sur la zone d’intérêt. La tumeur apparaît alors en couleur légèrement différente, permettant au chirurgien de la visualiser précisément : cela augmente très fortement la qualité du geste chirurgical. C’est un matériel très coûteux et nous avons la chance d’en disposer à la Clinique de Navarre.
En neurochirurgie, l’innovation est permanente. Je crois qu’il n’y a aucune intervention que je pratique de la même manière aujourd’hui que lorsque j’ai débuté y a 25 ans.
Les nouvelles technologies permettent des avancées considérables.
Par exemple, nous disposons de la toute dernière génération d’un stimulateur médullaire, équipement permettant la mesure peropératoire des potentiels évoqués moteurs. Il permet de surveiller l’activité neuronale grâce à des électrodes disposées d’une part sur le scalp, en regard du cortex moteur, et d’autre part au niveau des quatre membres. Au cours de l’intervention, nous pouvons vérifier en permanence l’intégrité de la transmission du message électrique, et adapter nos gestes pour éviter toute compression médullaire. En effet celle-ci risquerait d’endommager la moelle épinière, avec des complications dramatiques. Cet équipement représente une réelle avancée en présence d’une scoliose sévère ou de compressions médullaires pré-existantes dues à la pathologie.
La stimulation motrice du cerveau est également utilisée pour repérer les centres moteurs du cortex et leurs connexions vers les périphéries, dans le cas où la tumeur a modifié ou déformé les emplacements de ceux-ci. C’est très utile pour le chirurgien et cela améliore significativement la qualité de l’intervention.
Les circuits de prise en charge et les parcours patient se sont aussi améliorés. Des filières de suivi postopératoire se sont considérablement développées ces dernières années. Par exemple, après une intervention sur une tumeur cérébrale, le patient peut rencontrer une psychologue qui est spécialisée en oncologie, une assistante sociale pour organiser au mieux le retour à domicile, un intervenant de La Ligue contre le cancer ou de l’Association pour la recherche sur les tumeurs cérébrales (ARTC). Tous les deux ans, nous participons d’ailleurs avec l’ARTC à des réunions de vulgarisation sur les pathologies tumorales cérébrales .
En effet, nous avons été amenés à prendre en charge une patiente atteinte d’un méningiome sphéno-orbitaire, une pathologie très rare. Il fallait retirer une grande surface osseuse et envisager la pose de deux prothèses : l’une pour le crâne, l’autre pour l’orbite. Avant l’intervention, ces prothèses ont été fabriquées sur mesure en hydroxyapatite, une sorte de corail de synthèse, grâce à un travail en collaboration avec des ingénieurs spécialisés. Après avoir délimité précisément les contours de l’os pathologique, nous avons réalisé une IRM en coupes jointives volumétriques pour disposer du volume virtuel de la tumeur et de l’ensemble du crâne de la patiente. Avec les ingénieurs, nous avons intégré à cette IRM les limites osseuses à découper, et nous avons injecté ces images dans le système de neuronavigation peropératoire. Le dispositif de repérage à infra-rouges nous a permis de repérer et inciser, au millimètre près, la zone de la voûte crânienne et de la paroi de l’orbite qu’il fallait découper, puis les deux prothèses, parfaitement imbriquées et adaptées aux emplacements prévus, ont été placées comme deux pièces de puzzle.
Le matériel de synthèse utilisé pour les prothèses nous a permis de ne pas avoir recours à un prélèvement d’os sur la crête iliaque du patient pour réaliser une autogreffe osseuse, opération douloureuse qui aurait été nécessaire auparavant. Par ailleurs, une seule intervention a été réalisée pour retirer la tumeur et placer les prothèses sur mesure, alors que, il y a 5 ou 6 ans, cela demandait deux temps opératoires.
Ces deux aspects constituent des avancées majeures, d’une part en termes d’efficacité et de technicité, d’autre part en termes de confort et de récupération améliorée pour la patiente.
Nous avons pu réaliser cette prouesse grâce à l’expertise de notre équipe de neurochirurgiens, en collaboration avec tous les autres intervenants : ingénieurs, radiologues, oncologues, réanimateurs, etc.
Pour vous donner un exemple simple : il y a quelques années, nous utilisions des prothèses lombaires en silicone, matériel souple et malléable qui paraissait parfaitement adapté. Puis nous nous sommes rendu compte que le silicone se recouvrait de calcium au fur et à mesure du temps et que cela finissait par provoquer une arthrodèse. Nous utilisons donc dorénavant des prothèses en métal. Les tout derniers modèles de prothèses de disques lombaires, qui ont été conçus il y a quelques années, ne bénéficient pas encore de beaucoup de recul : c’est pourquoi ils font l’objet d’une réflexion permanente.
Par ailleurs, nous avons aussi deux projets d’ordre organisationnel.
Les Urgences situées à la Clinique Marzet, dans le centre-ville de Pau, devraient à terme rejoindre la Polyclinique de Navarre, ce qui nous permettra d’améliorer la qualité des soins à plusieurs niveaux. D’une part, nous pourrons monter une filière « SOS Dos » : en cas de lombalgie aiguë ou de sciatique, le patient sera vu par un urgentiste puis pourra bénéficier de l’avis d’un chirurgien, de façon simple et rapide. D’autre part, nous pourrons accueillir les patients ayant un problème postopératoire, comme un gonflement de cicatrice par exemple : après leur passage aux urgences, ils pourront être vus par un chirurgien si besoin.
Nous avons aussi mis à jour la convention de service public qui nous lie à l’hôpital de Tarbes, il nous reste à la finaliser. C’est une bonne chose, car nous sommes la structure de neurochirurgie la plus proche pour les patients de Tarbes, même s’ils dépendent en théorie de l’ARS d’Occitanie et non de celle de Nouvelle-Aquitaine… Nous avons aussi le projet d’ouvrir une unité de consultation de neurochirurgie à l’hôpital de Tarbes.