En cas de vertige, il est primordial de procéder à un bilan otoneurologique avant d’initier un traitement
Le Dr Jean-Louis Gaucher est médecin ORL à la Polyclinique Pau Pyrénées, spécialisé en otoneurologie : il prend en charge la surdité et les vertiges. Le vertige positionnel paroxystique bénin, le plus fréquent, est diagnostiqué et traité dans son cabinet grâce à un dispositif innovant et peu répandu : le fauteuil TRV. Couplé à une caméra infrarouge, celui-ci permet l’exploration fonctionnelle des canaux semi-circulaires de l’oreille interne et la rémission de ce vertige, souvent en une seule séance.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?
Je suis médecin ORL spécialisé en otoneurologie, c’est-à-dire en traitement de la surdité et des vertiges. Je travaille en lien étroit avec des chirurgiens ORL, des neurologues et des radiologues. L’otoneurologie s’intéresse en particulier au système de l’équilibre, le labyrinthe, qui comprend plusieurs organes : l’oreille interne (capteur de sons), le vestibule et l’organe otolithique (capteur d’accélération). Je travaille au sein de la Polyclinique Pau Pyrénées, dont j’ai été le président fondateur (Groupe Gaucher) et qui fait désormais partie de GBNA Polycliniques depuis 2020.
Aujourd’hui, quels sont vos domaines d’intervention ?
Je reçois de nombreux patients souffrant de vertige de position (vertige positionnel paroxystique bénin : VPPB), la cause la plus fréquente de vertige, qui est observé surtout chez la femme à partir de 50 ans. Il est occasionné par le déplacement de débris d’otolithes (cristaux de carbonate de calcium) dans un ou plusieurs canaux semi-circulaires de l’oreille interne. Pour certains, il serait lié à une décalcification de type ostéoporotique dès lors qu’il touche souvent les femmes ménopausées. Il peut être récidivant, plusieurs fois par an. Aucun traitement préventif n’existant à ce jour, il est important de surveiller le taux de vitamine D3 et de prescrire une supplémentation si besoin. Ce trouble, qui peut être accompagné de nausées et vomissements, est très handicapant et assez pénible au quotidien car il oblige la personne à éviter un certain nombre de mouvements. Il nécessite la plupart du temps un arrêt de travail, occasionne des chutes et représente une cause fréquente de fracture du col du fémur chez les personnes âgées.
Occupez-vous des fonctions dans des sociétés savantes ?
Je suis membre de la Société internationale d’otoneurologie (SIO) . Nos réunions pluriannuelles en France et à l’étranger nous permettent d’échanger sur nos pratiques et de prendre connaissances des avancées dans notre domaine.
Quelles sont les innovations les plus marquantes aujourd’hui pour votre exercice ?
Deux innovations sont particulièrement intéressantes en otoneurologie : le fauteuil TRV (du nom du médecin ORL qui l’a créé, le Dr Thomas Richard-Vitton) et le système VHIT (Video Head Impulse Test) inventé par le Dr Éric Ulmer, ingénieur en électronique qui est devenu médecin ORL.
Parlez-nous du fauteuil TRV.
Le fauteuil TRV permet de traiter facilement et efficacement les vertiges de position, une fois que les autres causes possibles de vertiges ont été éliminées (tumeur, cause neurologique ou vasculaire…). Le patient est installé dans le fauteuil, bien calé, et maintenu par 4 ceintures de sécurité afin d’éviter les faux mouvements. Le fauteuil peut alors être manipulé en toute sécurité par le médecin afin d’induire des changements de position du corps du patient, et ce dans les trois plans de l’espace. On ne manipule plus le patient mais uniquement le fauteuil ; ce qui est beaucoup moins traumatisant pour la personne. Un masque VNS (vidéonystagmocopie) muni d’une caméra infrarouge capte les mouvements oculaires du patient (nystagmus) provoqués par ces mouvements et les retransmet sur un grand écran. L’otoneurologue observe ces mouvements oculaires et visualise ainsi le ou les canaux contenant des débris d’otolithes. Il déloge ceux-ci grâce à un positionnement inverse du fauteuil, comme on « vide un récipient », avec l’aide de l’énergie cinétique produite. Les cristaux rejoignent ainsi leur emplacement d’origine, la cupule. Ce dispositif permet une exploration fonctionnelle très précise du système vestibulaire du patient en observant l’état des six canaux semi-circulaires pris séparément. Il permet de distinguer les vertiges de position de ceux dus à une maladie de l’oreille interne. Dans le cas du VPPB, le fauteuil TRV est donc utile à la fois pour le diagnostic et pour le traitement du vertige. Les manœuvres sont douces et bien plus efficaces que les thérapies manuelles encore parfois utilisées pour déloger les cristaux car ces dernières ont une amplitude beaucoup moins importante que les inclinaisons permises par le fauteuil dans les différents plans de l’espace. Le fauteuil TRV est donc très utile pour traiter les VPPB, même chez les personnes âgées, en surpoids, fragiles, souffrant de maux de dos, atteintes d’arthrose ou d’ostéoporose… Il maintient fermement mais confortablement les personnes pendant l’examen et il n’occasionne aucun traumatisme. Dans la grande majorité des cas, une seule séance suffit pour traiter le vertige et le patient peut reprendre une vie normale immédiatement. C’est un vrai progrès ! Il faut savoir que le fauteuil TRV est très onéreux et qu’il n’en existe qu’une dizaine en France. Nous avons la chance de disposer d’un tel fauteuil à la Polyclinique Pau Pyrénées.
Image du fauteuil TRV présent à la Polyclinique Pau Pyrénées
En quoi consiste le système VHIT ?
Le système VHIT, quant à lui, est composé d’une caméra placée devant les yeux du patient, permettant d’étudier l’état fonctionnel des six canaux semi-circulaires (capteurs d’accélération dans les trois plans de l’espace) en étudiant les nystagmus provoqués par les mouvements rapides de la tête. C’est une révolution pour notre pratique car cette technique est très précise et très simple pour identifier un dysfonctionnement vestibulaire. Elle remplace avantageusement l’ancienne méthode qui consistait à instiller de l’eau dans les oreilles.
Quelles sont les problématiques de prises en charge dans votre domaine ?
Il est important de comprendre que tout vertige nécessite l’avis d’un otoneurologue, d’une part pour poser un diagnostic précis, et d’autre part pour éviter des examens complémentaires aussi coûteux qu’inutiles en cas de VPPB (IRM, scanner, doppler…). Prescrire un antivertigineux sans avoir établi de diagnostic au préalable n’a pas de sens et peut être dangereux. De même, les kinésithérapeutes ont un rôle important en matière de rééducation, c’est-à-dire de compensation, par le système nerveux central, d’un déficit vestibulaire, mais ils doivent intervenir après le bilan otoneurologique réalisé par un médecin ORL, pour que le diagnostic soit posé et l’origine du vertige identifiée avant toute manipulation. C’est primordial.
Quels sont les sujets de recherche actuels ?
Des recherches sont menées actuellement pour tenter d’identifier l’origine de la libération des otolithes dans les canaux semi-circulaires. Cela permettrait de mettre en place un traitement préventif. Pour le moment, nous n’avons pas de réponse claire.
L’excellence médicale allie l’humilité, le travail d’équipe et l’accès à un équipement médical moderne
Comment voyez-vous l’avenir de l’otoneurologie ?
Aujourd’hui, l’oto-rhino-laryngologie a trois versants : médical, chirurgical, et otoneurologique pour le traitement de la surdité et des vertiges. Il serait souhaitable selon moi que l’otoneurologie soit reconnue comme une discipline, car il s’agit d’une spécialité complexe qui touche à la fois le système périphérique, le système nerveux central, et le système neurologique pour une grande part… Il serait logique qu’elle ne soit pas incluse dans la discipline ORL mais considérée comme une spécialité à part entière.
Quels sont les projets que vous souhaitez développer dans les années qui viennent ?
La Polyclinique Pau Pyrénées – site Navarre est en pleine transformation. Elle accueillera début 2023 le service des urgences situé actuellement sur le site Marzet. Cela nous permettra de travailler en étroite collaboration du fait de la proximité sur un même site des différentes spécialités concernées.
Que représente pour vous « l’excellence médicale » ?
L’expertise médicale naît de la collaboration interdisciplinaire. Je travaille en lien étroit avec les médecins neurologues et les médecins radiologues, d’où l’intérêt d’exercer dans un établissement qui comprend toutes ces équipes. L’excellence médicale allie l’humilité, le travail d’équipe et la collaboration avec les autres spécialistes du domaine, ainsi que l’accès à un équipement médical moderne. Tout cela contribue à une prise en charge de qualité.
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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky