Dr Magali Pavard : « La chirurgie hors bloc va certainement se développer »

20 Fév 2024

Nos patientes se mettent à nu, dans tous les sens du terme, et nous confient leur intimité 
Gynécologue obstétricien à la Polyclinique Bordeaux Rive Droite, le Dr Pavard est spécialisée en chirurgie oncologique. Parmi les innovations les plus marquantes dans sa spécialité, elle évoque notamment l’essor des techniques mini-invasives, la réhabilitation précoce et la simplification du parcours de soins. L’objectif est de limiter le plus possible l’impact des traitements sur la qualité de vie des patientes, et de proposer une offre de soins de proximité. Les progrès réalisés permettront sans doute de développer la chirurgie hors bloc dans les années qui viennent.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?
J’ai toujours voulu devenir gynécologue obstétricienne. Je devais avoir 14 ou 15 ans quand j’ai vu mon premier accouchement, grâce à ma tante qui est gynécologue. C’était vraiment une vocation pour moi.
Je me suis formée à Lille, où j’ai passé l’internat en 2006. Assez rapidement, j’ai voulu m’orienter vers la partie chirurgicale de notre spécialité, même si mon activité restait assez mixte. J’ai passé un diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) en chirurgie oncologique et j’ai entrepris un post-internat au centre de lutte contre le cancer Oscar Lambret, à Lille.
Puis j’ai déménagé à la Réunion où j’ai été praticien hospitalier, pendant huit ans, à l’hôpital de Saint-Denis. Cette expérience a vraiment été très enrichissante pour moi, dans un cadre de vie tout à fait différent. Je suis ensuite revenue en métropole en 2021, et je me suis installée en libéral à la Polyclinique Bordeaux Rive Droite avec deux associés, Brice Monnier et François Vandenbossche.
Aujourd’hui, quels sont vos domaines d’intervention ?
Je suis particulièrement intéressée par la cancérologie mammaire, mais j’exerce aussi dans les autres domaines, comme la chirurgie cancérologique et fonctionnelle pelvienne.
Nous travaillons à structurer certains réseaux de prise en charge, en obstétrique et en oncologie, pour proposer une offre de soins globale et au plus près du patient
Quels sont, selon vous, les enjeux actuels de votre discipline et les innovations les plus marquantes ? 
Les traitements contre le cancer ont beaucoup progressé et sont de plus en plus efficaces. L’enjeu aujourd’hui est de limiter l’impact des traitements sur la qualité de vie des patients. Dans le domaine de la chirurgie du cancer du sein, par exemple, les objectifs de santé publique sont orientés sur la reconstruction mammaire, pour que les patientes puissent retrouver une qualité de vie la plus proche de celle qu’elles avaient avant la maladie. Je suis d’ailleurs en train de compléter ma formation dans ce domaine pour que nous puissions développer davantage cette activité dans le service.
En matière de technique, les outils de chirurgie mini-invasive qui ont été développés ces dernières années sont très performants. Ils permettent d’améliorer la qualité des soins en limitant les cicatrices, et favorisent la réhabilitation précoce.
Par ailleurs, la Polyclinique Bordeaux Rive Droite envisage de s’équiper de caméras de fluorescence qui facilitent le repérage et l’exérèse du ganglion sentinelle du sein. C’est un vrai progrès, car les patientes n’auront plus besoin de se rendre dans un centre de médecine nucléaire avant l’intervention. L’injection est réalisée juste avant le geste chirurgical : cela simplifie le parcours de soins et réduit la durée d’hospitalisation. Nous avons commencé à utiliser cette technique en cas de cancer de l’endomètre et nous allons la mettre en place pour le cancer du sein.
De façon plus globale, quelles sont les problématiques de prises en charge ? 
La désertification médicale est un vrai problème : il n’y a plus assez de gynécologues de ville et les médecins traitants sont submergés, y compris dans les communes comme Bordeaux, sans parler des territoires qui se trouvent à sa périphérie. Il faut parfois faire 150 kilomètres pour consulter un médecin !
La difficulté d’accès aux soins pour les patientes me préoccupe. De nombreuses sages-femmes prennent le relais mais elles ne peuvent pas prendre en charge toutes les demandes.
Que diriez-vous de la place de la patiente dans votre domaine ?
Nous prenons beaucoup de temps pour dialoguer avec les patientes et leur expliquer les différentes options de traitement, car l’information et le consentement éclairés sont essentiels. Certaines situations sont délicates, car parfois nous devons faire face à des patientes très exigeantes et qui ont une idée bien arrêtée de ce qu’elles souhaitent. Ce n’est pas toujours facile, notamment quand une patiente refuse l’option que je trouve la plus adaptée, malgré les arguments médicaux et rationnels que je lui expose. Quelquefois, nous pouvons répondre à ces demandes, mais nous devons aussi savoir dire non quand ce n’est pas possible. De façon générale, je pense que les patients d’aujourd’hui sont plus informés et plus exigeants qu’auparavant.
Quels sont les sujets de recherche actuels et les perspectives dans votre discipline ?
De nombreuses études sont menées actuellement sur la désescalade thérapeutique, sur la recherche de traitements chirurgicaux les moins agressifs et les plus conservateurs possible. Les indications du ganglion sentinelle ont été élargies en cas de tumeur du sein ou de l’endomètre, afin de réduire l’impact des traitements chirurgicaux.
De la même façon, des techniques de traitement hors chirurgie se développent, comme la radiofréquence pour traiter les fibromes.
Les outils de chirurgie mini-invasive permettent d’améliorer la qualité des soins en limitant les cicatrices, et favorisent la réhabilitation précoce
Quels sont les projets que vous souhaitez développer dans les années qui viennent ? 
Nous réfléchissons aux orientations des 10 prochaines années et les projets ne manquent pas. Je pense que nous allons de plus en plus vers le développement de la prise en charge ambulatoire, voire « ultra-ambulatoire », sans anesthésie. L’hystéroscopie, l’exérèse de polypes ou de fibromes, seront de plus en plus réalisées sans endormir les patientes car les outils et les techniques se sont beaucoup améliorés. Cela permet de surseoir à l’anesthésie tout en prenant en charge la douleur bien entendu. La chirurgie hors bloc va certainement se développer.
Avec l’équipe, nous travaillons actuellement à structurer certains réseaux de prise en charge, en obstétrique et en oncologie, pour proposer une offre de soins qui soit globale et au plus près du patient.
En ce sens, la Polyclinique Bordeaux Rive Droite vient de mettre en place un centre de consultation avancée, à Saint-Ciers-sur-Gironde, afin de renforcer notre offre de soins de proximité.
La Polyclinique Bordeaux Rive Droite prévoit également de renforcer le parcours sénologie, notamment autour de la reconstruction. 
En effet. Nous avons mis en place un numéro unique pour les correspondants afin de faciliter l’accès au parcours en cas pathologie mammaire. L’articulation de la prise en charge en aval s’établit ensuite de manière fluide grâce à une coordination interne de nos assistantes. Notre collaboration avec les autres spécialistes de la clinique est optimale : c’est aussi l’avantage d’être une équipe resserrée, dans le cas de pathologie nécessitant une prise en charge multidisciplinaire. La reconstruction est l’un des rouages de cette prise en charge.
De nombreuses études sont menées actuellement sur la désescalade thérapeutique
Que représente pour vous « l’excellence médicale » ?
Pour un chirurgien, la technicité est importante, et l’excellence demande la mise à jour constante de nos connaissances, car la médecine évolue vite. L’aspect humain est bien sûr essentiel et le consentement éclairé est au cœur de nos pratiques. L’excellence médicale regroupe ainsi la qualité du soin, techniquement et humainement. Le rôle du travail d’équipe est lui aussi primordial et dans notre centre, nous avons la chance d’avoir une très bonne dynamique d’équipe. Nous échangeons beaucoup et les décisions sont partagées.
Quel est selon vous le rôle du chirurgien dans la société ?
Le chirurgien gynécologue est à la fois un technicien, un psychologue, un médecin de proximité. Son rôle est assez large et transversal. Nous avons un lien particulier avec nos patientes : les femmes ne viennent pas chez le gynécologue comme elles se rendraient chez n’importe quel autre médecin. Elles se mettent à nu, dans tous les sens du terme, et nous confient leur intimité : nous entrons dans le cœur des femmes !
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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky