Dr Philippe Ducamp : « Un plateau technique performant au service de la rééducation et de la réhabilitation fonctionnelle »

13 Juil 2023

La place du patient est fondamentale dans notre exercice : nous prenons en charge une personne et non une maladie !
Le Dr Philippe Ducamp est médecin spécialiste en médecine physique et réadaptation fonctionnelle à la Polyclinique Pau Pyrénées Site Marzet. Il pilote actuellement l’ouverture d’un service d’hospitalisation de jour en soins médicaux et de réadaptation (SMR) depuis le 12 septembre 2022. Celui-ci est doté d’équipements de pointe dédiés à la réhabilitation de tous types de handicap ou de déficiences, dans les domaines de l’oncologie, des maladies métaboliques, de l’obésité et de la rééducation polyvalente : neurologie, orthopédie, traumatologie et médecine du sport. Le plateau technique spécialisé et l’équipe pluridisciplinaire permettent une prise en charge personnalisée et adaptée à chaque étape du parcours de soins.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?
C’est ma culture de l’activité physique et sportive qui m’a mené vers la médecine physique et la réadaptation fonctionnelle. J’ai toujours été très sportif, j’ai été champion de France en gymnastique avec le club Sport Athlétique Mérignacais (SAM). Né à Dax, j’ai aussi pratiqué la course landaise (sport tauromachique traditionnel sans mise à mort) et remporté 5 fois le championnat de France des “sauteurs”. Je détiens aussi le record des victoires consécutives du grand concours landais de Dax : 8 participations, 8 victoires. Dans cette activité, j’affrontais les vaches et taureaux de combat. En tant que “sauteur”, j’effectuais toutes sortes de figures acrobatiques par-dessus l’animal : sauts périlleux, vrilles, sauts de l’ange… En tant qu’“écarteur”, je devais passer au plus près des cornes du taureau qui chargeait, en réalisant des “feintes”. L’accidentologie de cette activité m’a poussé à choisir la médecine physique et la réadaptation fonctionnelle, après avoir exercé un temps en médecine générale en particulier dans les domaines de la traumatologie, de la réadaptation et du handicap. Je suis donc retourné à l’université pour passer la spécialité correspondante.
Mon activité médicale a été mixte, entre le cabinet libéral et l’exercice hospitalier. J’ai travaillé dans plusieurs établissements, et pour terminer j’ai été PH titulaire chef de service en rééducation neurologique, chef de pôle, vice-président de la commission médicale d’établissement au CH d’Orthez, depuis 2018. Enfin je suis arrivé à la Polyclinique Pau Pyrénées site Marzet en septembre 2022.
Aujourd’hui, quels sont vos domaines d’intervention ? 
Nous avons donc ouvert un service d’hospitalisation de jour (HDJ) en soins médicaux et de réadaptation (SMR) avec trois autorisations d’exercice : la rééducation spécialisée oncologique, pour la prise en charge et le suivi des handicaps liés à tous types de cancers, la rééducation métabolique, endocrinologique et de l’obésité, et la rééducation polyvalente dans laquelle nous incluons la neurologie, l’orthopédie, la traumatologie et la médecine du sport. Nous sommes deux médecins spécialisés en médecine physique et réadaptation fonctionnelle, et notre équipe pluridisciplinaire est complète : kinésithérapeutes, ergothérapeute, professeur en activité physique adaptée, diététicienne, psychologue, assistante sociale, infirmière, et elle s’étoffera au fur et à mesure du développement de notre activité. Nous travaillons aussi en collaboration avec les autres services du site Navarre de la Polyclinique Pau Pyrénées. Nous préparons un parcours patients oncologiques depuis le diagnostic, avec l’équipe du Groupe de Radiothérapie et d’Oncologie des Pyrénées (GROP) du site Marzet. Le patient est pris en charge dans le service de chimiothérapie mais aussi en hospitalisation complète SMR oncologique, en HDJ oncologique et désormais en HDJ SMR. Il s’agit d’un parcours complet incluant les soins de support.
Nous travaillons également à un parcours identique dans la prise en charge de l’obésité depuis la phase préparatoire 6 à 8 mois avant la chirurgie bariatrique et juste après, de J3 à J30 en HDJ SMR, en prenant en compte la dimension physique, psychologique, diététique et endocrinologique.
Enfin, nous sommes en cours d’organisation du parcours patients opérés du rachis. En effet, les exigences des prises en charge sont de plus en plus fortes, et nous devons travailler en étroite collaboration et en filières de soins organisées.
Nos programmes d’éducation thérapeutique sont élaborés et adaptés précisément à chaque situation
Comment ce projet d’HDJ SMR est-il mis en place ?
Notre projet structurel est à la hauteur de l’importance de nos prises en charge : nous disposons d’une grande surface d’activité qui bénéficie actuellement d’importants travaux de réhabilitation et de modernisation des locaux.
Cette création de service doit jouer un rôle pivot pour les spécialités médico-chirurgicales des deux sites Marzet et Navarre. Nous sommes équipés d’un plateau technique spécialisé et complet, doté d’un matériel particulièrement performant et qui va encore se doter de nouvelles technologies dès 2023 et 2024.
Par exemple, nous venons de nous équiper d’un appareil d’allègement du poids du corps (Biodex®) pour la verticalisation et la mobilisation des patients neurologiques ou obèses (nous pouvons soustraire plus de 100 kilos), mais aussi d’une plateforme de posturologie pour l’évaluation des troubles de l’équilibre et des conséquences de traumatismes cérébraux, et la rééducation de ces troubles. Nous allons recevoir janvier 2023 le PISTEUR3 un tapis de marche très performant muni d’un système d’analyse quantifiée de la marche : nous pourrons ainsi mesurer la cadence, la fréquence et la vitesse de la marche, l’élargissement du pas, la pression du pied au sol, etc. Il sera doté aussi d’un système d’enregistrement vidéo et de musicothérapie particulièrement adapté aux pathologies neurodégénératives (Parkinson, sclérose en plaques). Cela viendra compléter notre système d’analyse de la marche en situation de vie réelle grâce à notre système de semelles connectées. Il est testé avec succès depuis plusieurs années aux États-Unis, en particulier pour la rééducation de la marche des patients parkinsoniens. Il n’en existe que quelques exemplaires en France.
Nous disposons par ailleurs d’une table de traction pendulaire automatisée (DPA, société Satisform®), utilisée notamment pour la rééducation des troubles rachidiens. C’est un équipement très novateur et dont peu de centres disposent en Aquitaine. Il s’agit de reproduire, en décubitus dorsal, le mouvement lemniscatoire de la marche au niveau du bassin, afin de favoriser la reprise de la marche. Nous l’étudions chez le patient neurologique afin de vérifier son influence sur la plasticité cérébrale. Des travaux sont en cours, notamment chez des personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC). Des études expérimentales ont déjà montré une meilleure fluidité de la marche après quelques séances. Cet appareil est utile en neurologie mais aussi dans d’autres domaines, par exemple pour modifier l’ampliation thoracique en cas de troubles restrictifs respiratoires ou dans certains troubles digestifs fonctionnels. Son champ d’activité est très large. Le bureau d’études cliniques du groupe GBNA Polycliniques nous permettra sans doute de développer des projets de recherche scientifique afin de confirmer ces bons résultats,.
Nous avons reçu mi-novembre 2022 l’essentiel des équipements nécessaires à l’activité du service : dispositifs de pressothérapie (traitement des troubles lymphatiques et des œdèmes), lasers médicaux pour traiter les inflammations profondes postopératoires, notamment rachidiennes, plateforme de stabilométrie pour travailler sur les problématiques d’équilibre et d’instabilité, etc.
Nous disposons aussi d’un équipement (Blood Flow Restriction Training : BFR Training, société Mad-Up®) permettant d’alléger la puissance maximale d’effort chez des patients sédentaires, sarcopéniques ou opérés récemment, qui n’ont pas les capacités physiologiques suffisantes pour fournir un effort musculaire important. Grâce à ce matériel, nous pouvons évaluer la vascularisation du segment de membre à faire travailler et restreindre l’afflux sanguin dans cette partie du corps, afin de mimer un effort maximal tout en réduisant le travail musculaire à fournir. C’est très intéressant car cela augmente considérablement la vitesse de récupération et de musculation, tout en demandant un effort musculaire moindre.
Nous disposons aussi bien sûr de l’équipement complet de tout service de rééducation : ergomètres auto-entraînés pour la mobilisation passive des patients neurologiques, tapis de marche et de course, vélos, steppeurs et rameurs pour l’entraînement cardiovasculaire et arthromoteurs de membre supérieur, inférieur et rachis.
Nous avons pour projet d’élargir encore notre plateau technique spécialisé en y incluant la balnéologie, puisque la piscine est déjà présente sur le site, et le plateau d’isocinétisme est programmé sur le plan d’investissement 2024. Ces appareils, très performants, permettent l’évaluation et la rééducation musculaire et articulaire.
Nous disposons d’une table de détente pendulaire automatisée (DPA), équipement très novateur et performant en cas de troubles rachidiens
Occupez-vous des fonctions dans des sociétés savantes ? 
Je fais partie de la Société française de traumatologie du sport (SFTS) et j’ai été secrétaire général de la Société française de médecine thermale. Je participe en tant qu’orateur aux enseignements de médecine physique et de réadaptation fonctionnelle (EMPR) qui ont lieu tous les ans à Montpellier.
Dans le monde sportif, je suis membre de la commission médicale des matchs de la Fédération française de rugby. Je m’occupe en particulier de la surveillance des commotions cérébrales lors des matchs de Top 14 et de coupes d’Europe. Je suis aussi membre de l’Association pour le Développement et la Recherche en Traumatologie du Sport (ADRETS).
Quels sont, selon vous, les enjeux actuels de votre discipline et les innovations les plus marquantes ? 
La place de la médecine physique et réadaptation fonctionnelle est fondamentale au sein de la prise en charge médicale globale. En effet, le vieillissement de la population induit un certain nombre de handicaps qui altèrent la qualité de vie. La médecine physique prend en charge ces déficits et déficiences, rééduque et réadapte ces personnes pour qu’elles soient le plus autonomes possible et puissent retrouver leur place dans la société. C’est un enjeu majeur pour l’avenir car beaucoup de personnes vieillissent en mauvaise santé. Cette spécialité mériterait d’être mieux connue.
Au sein de la Polyclinique Pau Pyrénées site Marzet, le nouveau service HDJ SMR interviendra notamment en lien direct avec la filière cancer, qui est très développée dans l’établissement. Notre collaboration sera un véritable atout pour la réhabilitation des patients pendant et après le traitement du cancer. La Polyclinique fait partie des rares structures proposant un circuit complet de prise en charge de cette pathologie. Nous intervenons dès l’annonce du diagnostic, puis tout au long du parcours, pour atténuer les conséquences de la chimiothérapie et améliorer la qualité de vie, y compris après le retour à domicile.
Avec l’arrivée des toxines botuliques, nous avons révolutionné la prise en charge des séquelles spastiques des accidents vasculaires cérébraux et des phénomènes d’hypertonie musculaire. Bientôt, probablement, nous aurons aussi un rôle à jouer sur certains types de douleurs et de pathologies, comme la migraine, avec ces médicaments.
Nous assistons aussi au développement de la neuro-orthopédie avec des chirurgies modernes et très propres, sur des principes anciens mais qui peuvent désormais apporter des solutions radicales pour la prise en charge des patients avec hypertonies déformantes acquises, pour des gestes de confort, d’hygiène et de qualité de vie.
Nous pratiquons par ailleurs dans le service des gestes techniques spécialisés comme des injections de PRP (platelet rich protein), qui favorisent la cicatrisation en cas de tendinopathie douloureuse chronique, et diminuent ou stabilisent l’inflammation des tissus pour des articulations dégénératives. Nous utilisons des kits d’injection permettant l’administration de volumes importants de PRP, ce qui donne des résultats assez satisfaisants.
De même, nous réalisons des infiltrations articulaires périphériques, des infiltrations écho-guidées dans le domaine de l’imagerie interventionnelle de l’appareil locomoteur et du rachis.

Arthromoteur Rachidien et Table de Péqunia

DPA Satisform Table de traction Pendulaire dynamique Automatisée

Système d’allègement du poids du corps Biodex

Plateforme de stabilométrie Biodex

Que diriez-vous de la place du patient dans votre domaine ? 
Notre objectif est d’être au service d’une population large. Nous prenons en charge tous types de patients souffrant de différents déficits et handicaps. La place du patient est fondamentale dans notre exercice : nous prenons en charge une personne et non une maladie ! Notre objectif est de proposer au patient un projet thérapeutique qui soit adapté à son projet de vie. Le patient doit être écouté, ses difficultés entendues, ses angoisses et ses éventuelles fausses croyances prises en compte. L’entourage de la personne compte aussi, bien sûr, et est inclus dans l’accompagnement. Nos programmes d’éducation thérapeutique sont élaborés et adaptés précisément à chaque situation.
Par ailleurs, selon la pathologie du patient, l’hospitalisation initiale signe parfois le début d’un long parcours de soins avant le retour à domicile. Dans ce cadre, l’HDJ lui permet de retrouver ses repères et son environnement habituel, tout en étant pris en charge et accompagné tout au long de ses soins de rééducation. Notre HDJ est proposée « à la carte » selon l’évaluation réalisée en amont et les capacités du patient : la prise en charge est modulable.
La place de la médecine physique et réadaptation fonctionnelle est fondamentale au sein de la prise en charge médicale globale
Quels sont les sujets de recherche actuels et les perspectives dans votre discipline ?
Dans le domaine de la médecine thermale, j’ai publié en avril dernier les résultats d’une étude sur la prise en charge des patients douloureux chroniques fibromyalgiques par un programme d’éducation thérapeutique en milieu thermal. La fibromyalgie est un champ d’étude qui m’intéresse particulièrement depuis une vingtaine d’années et je me suis spécialisé dans ce domaine. Je suis en train de finaliser un protocole d’évaluation et de suivi des patients fondé sur la réhabilitation biopsychosociale, afin de pouvoir proposer un programme de prise en charge multidisciplinaire dans lequel s’inclura la rééducation.
Un autre sujet de recherche auquel je suis attaché, dans le champ de la médecine physique, concerne le développement d’une nouvelle technique ostéopathique en milieu aquatique. Je suis en train d’élaborer une thérapie procédurale pour soulager notamment les patients souffrant de douleurs rachidiennes. Le protocole de recherche est en cours.
Je travaille également avec Dominique Reby-Eluère, ancienne danseuse professionnelle, art-thérapeute, bien connue pour s’être occupée des « enfants de la lune » pendant plusieurs années, sur l’évolution d’une nouvelle technique de gymnastique empruntée au Pilates, très modifié et intégrant l’art-thérapie. Nous sommes en train de graduer des niveaux de pratique, pour prendre en compte la dimension d’une production par le patient au cours du soin, qui lui permettra ensuite de faire l’analyse de son état de santé. Cette technique de gymnastique est très prometteuse chez les patients douloureux chroniques dont les fibromyalgiques, avec un recul de 10 ans maintenant et plusieurs milliers de séances. Nous l’appelons la Fibrothérapie® (marque déposée).
Que représente pour vous « l’excellence médicale » ?
Il me semble que, ce qui fait l’excellence médicale aujourd’hui, c’est avant tout l’écoute de la personne, pour s’intéresser à son projet de vie et lui proposer une prise en charge globale, par une équipe multidisciplinaire et spécialisée. Tous les acteurs du parcours de soins doivent se connaître et communiquer entre eux de manière efficace, dans le cadre d’un chemin clinique personnalisé et adapté à la personne. Le travail d’équipe et la sollicitation de médecins spécialistes le cas échéant sont également importants.
Bien entendu, l’utilisation d’outils et d’équipements innovants est également nécessaire pour rendre nos prises en charge les plus précises et performantes possible. Enfin, l’évaluation des prises en charge est fondamentale, tout comme l’évaluation préalable est une condition indispensable à tout projet thérapeutique de rééducation.
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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky