La dimension humaine, l’adaptabilité et la relation avec le patient sont primordiales
Le Dr Romain Tournan est gastro-entérologue à la Clinique d’Arcachon. Il exerce en particulier en oncologie digestive et en endoscopie interventionnelle, domaines dans lesquels il s’est spécialisé. Il explique notamment en quoi les progrès de ces dernières années en immunothérapie et en médecine personnalisée permettront, à l’avenir, de cibler précisément les mutations génétiques à l’origine d’un cancer du foie ou du côlon.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?
J’ai entrepris mes études de médecine à Besançon, ville dont je suis originaire. J’ai passé mon internat en 2003 et j’ai été accepté à Bordeaux en spécialité médicale. Au fur et à mesure de mes semestres d’interne, j’ai choisi la gastro-entérologie. En parallèle, j’ai passé un diplôme universitaire d’endoscopie interventionnelle. Comme il n’y avait pas de poste de chef de clinique sur place, je suis parti à Grenoble pour un an après avoir passé ma thèse, en 2007. Je suis revenu à Bordeaux pour deux ans de clinicat supplémentaires et j’ai terminé ma spécialisation en cancérologie digestive, via un DESC d’oncologie médicale. Fin 2010, j’ai rejoint le cabinet de gastro-entérologie de la Teste-de-Buch où exerçaient déjà quatre praticiens. Quand je suis arrivé, le projet de construire un pôle de santé moderne était déjà signé, avec la volonté de développer en particulier une activité d’endoscopie interventionnelle et d’oncologie digestive, en plus de la gastro-entérologie « classique ». Ce pôle de santé a vu le jour en mars 2013, réunissant au sein d’un même bâtiment la Clinique et le Centre hospitalier d’Arcachon.
Aujourd’hui, quels sont vos domaines d’intervention ?
Je pratique dans tous les domaines de la gastro-entérologie hors proctologie. Mes associés et moi avons chacun nos domaines de prédilection, afin de proposer l’offre de soins la plus large possible. Pour ma part, j’exerce en particulier en oncologie digestive, en endoscopie interventionnelle et en gastro-entérologie standard. Les pathologies prises en charge au sein de notre cabinet renvoient à la cancérologie digestive, l’endoscopie interventionnelle, la proctologie, le traitement de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique, l’hépatologie…
Occupez-vous des fonctions dans des sociétés savantes ?
Je suis membre du bureau de l’association des gastro-entérologues d’Aquitaine, dont j’ai présidé la commission cancérologie jusqu’à cette année. Cette association a la particularité de regrouper des praticiens libéraux et du secteur public dans une ambiance confraternelle, ce qui est très enrichissant.
À terme, nous traiterons davantage une mutation génétique qu’un cancer du foie ou du côlon
Quels sont, selon vous, les enjeux actuels de votre discipline et les innovations les plus marquantes ?
Dans mon domaine, je pense que les principales innovations récentes concernent l’oncologie digestive, avec le développement des immunothérapies et de la médecine personnalisée qui va probablement révolutionner la cancérologie de façon générale. L’idée est de traiter chaque cancer « à la carte », sur le modèle de l’antibiothérapie qui cible les différentes bactéries. Il existe aujourd’hui des plateformes capables de rechercher, pour un cancer donné, la voie de cancérogénèse ou les mutations tumorales en présence, ce qui permet de mettre en œuvre des thérapies personnalisées à chaque cancer. À terme, nous traiterons davantage une mutation génétique du cancer qu’un cancer du foie ou du côlon.
Il existe aussi un fort enjeu en matière de dépistage du cancer colorectal, qui est encore insuffisant aujourd’hui alors que le test est simple, efficace et pris en charge par la Sécurité sociale. En Gironde par exemple, le taux de participation à ce dépistage est de 28 % environ, pour un objectif de santé publique de 35 % en population générale. Nous devons sensibiliser davantage à l’importance de ce dépistage, en lien avec les médecins généralistes et les campagnes de communication comme Mars bleu ou le « Côlon Tour ». À l’heure où sont dénombrés plus de 40 000 cancers du côlon en France, nous pouvons guérir 90 % des cancers diagnostiqués via ce test.
Il existe aussi un fort enjeu en matière de dépistage du cancer colorectal, qui est encore insuffisant aujourd’hui alors que le test est simple, efficace et pris en charge par la Sécurité sociale. En Gironde par exemple, le taux de participation à ce dépistage est de 28 % environ, pour un objectif de santé publique de 35 % en population générale. Nous devons sensibiliser davantage à l’importance de ce dépistage, en lien avec les médecins généralistes et les campagnes de communication comme Mars bleu ou le « Côlon Tour ». À l’heure où sont dénombrés plus de 40 000 cancers du côlon en France, nous pouvons guérir 90 % des cancers diagnostiqués via ce test.
Immunothérapie
De façon plus globale, quelles sont les problématiques de prises en charge ?
De façon générale et dans tous les établissements, les délais de consultation d’un spécialiste sont trop importants. Ils sont de 4 mois dans notre cabinet. C’est une problématique complexe car elle fait intervenir un grand nombre de paramètres : une certaine désaffection pour les études de médecine et la profession de gastro-entérologue, les contraintes liées au lieu installation en libéral, le bassin de population en augmentation… Les solutions prendront du temps.
Que diriez-vous de la place du patient dans votre domaine ?
La place du patient est centrale dans son parcours de soins. Dans la grande majorité des cas, une relation de confiance s’établit, mais nous voyons de plus en plus de patients suspicieux, exigeants, quelquefois procéduriers. Depuis quelques années, nous observons une évolution des comportements vers un mode de « consommation » des soins médicaux, avec parfois un recours au médicolégal. Cela est souvent lié à l’anxiété des patients, qui est plus forte en particulier depuis la crise du Covid-19. Il existe aussi une recrudescence des colopathies fonctionnelles et des syndromes du côlon irritable, pour lesquels le stress et l’anxiété sont des facteurs prépondérants. Tout cela nous demande d’être vigilants et de nous adapter à ces situations.
Quels sont les sujets de recherche actuels et les perspectives à venir ?
La recherche clinique en oncologie est en plein essor dans le groupe GBNA Santé et une cellule de recherche clinique a déjà été mise en place à la Polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine. Inclure un tel pôle de recherche à la Clinique d’Arcachon serait un beau projet qui nous permettrait de participer à des essais thérapeutiques et d’inclure des patients dans des protocoles.
En termes de perspectives, les infirmières en pratique avancée (IPA) spécialisées en oncologie devraient nous permettre de fluidifier les prises en charge simples, tout en libérant du temps médical. C’est d’ailleurs dans cet objectif qu’elles ont été mises en place. Nous en sommes encore aux débuts de cette organisation dans le secteur privé.
En termes de perspectives, les infirmières en pratique avancée (IPA) spécialisées en oncologie devraient nous permettre de fluidifier les prises en charge simples, tout en libérant du temps médical. C’est d’ailleurs dans cet objectif qu’elles ont été mises en place. Nous en sommes encore aux débuts de cette organisation dans le secteur privé.
Le nouveau centre de chirurgie ambulatoire CapDune sera dédié à des parcours « fast track »
Quels sont les projets que vous souhaitez développer dans les années qui viennent ?
Le nouveau centre de chirurgie ambulatoire de la Clinique d’Arcachon, CapDune, va bientôt voir le jour. Il sera dédié à des parcours « fast track » en ophtalmologie, gastro-entérologie, chirurgie de la main, etc. En ce qui concerne l’endoscopie digestive, nous allons ainsi augmenter la capacité d’accueil des patients ayant besoin d’une gastroscopie ou d’une coloscopie. Ils seront pris en charge rapidement, avec un circuit plus fluide et plus fonctionnel.
Par ailleurs, la Clinique d’Arcachon développe aussi son activité en oncologie, notamment avec l’ouverture prochaine d’un hôpital de jour.
Tous ces projets viennent renforcer l’offre de soins pour nos patients.
Par ailleurs, la Clinique d’Arcachon développe aussi son activité en oncologie, notamment avec l’ouverture prochaine d’un hôpital de jour.
Tous ces projets viennent renforcer l’offre de soins pour nos patients.
Que représente pour vous l’excellence médicale ?
L’excellence médicale se mesure à la qualité des soins et des traitements de pointe proposés au patient, qui doit rester au centre de sa prise en charge quels que soient le nombre d’intervenants et la complexité de la pathologie. La dimension humaine, l’adaptabilité et la relation avec le patient sont primordiales. Enfin, l’excellence ne peut se concevoir sans un travail d’équipe : gastro-entérologue, infirmière, secrétaire, radiologue, chirurgien… Chacun a un rôle important. Dans notre structure à taille humaine, nous nous connaissons tous et nous travaillons en bonne intelligence, ce qui rend la prise en charge plus fluide et plus efficace. D’ailleurs, les patients apprécient cette prise en charge par une équipe de taille réduite, ils trouvent que l’accueil est plus « humain » et plus personnalisé que dans un grand centre hospitalier.
Quel est selon vous le rôle du gastro-entérologue dans la société ?
Comme tout médecin, le gastro-entérologue a pour mission de prendre soin du bassin de population dans lequel il exerce, en coopération avec la médecine de ville. Pour cela, il doit se rendre disponible pour proposer des prises en charge optimales dans des délais ajustés à la gravité de la pathologie. L’adaptabilité est un impératif pour répondre au mieux aux besoins de la population.
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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky