Les pathologies du dos sont « le mal du siècle »
Le Dr Soufiane Ghailane est chirurgien du rachis à l’Hôpital Privé du dos Francheville, à Périgueux. Il intervient en particulier en cas de déformation de la colonne vertébrale, qu’elle soit congénitale, idiopathique ou dégénérative (de novo). Il évoque les progrès réalisés dans sa discipline, comme la chirurgie mini-invasive, la navigation peropératoire, l’avènement des biomatériaux et le développement de l’intelligence artificielle. Pour lui, l’accompagnement du patient doit être personnalisé et fondé sur un lien de confiance.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel a été votre parcours ?
Je suis né et j’ai grandi au Maroc, et je suis arrivé à Bordeaux en 2004 pour y entreprendre des études de médecine. J’ai obtenu mon diplôme d’État en 2017, puis j’ai débuté une spécialisation en chirurgie orthopédique et traumatologique. La chirurgie, en particulier l’orthopédie, m’attirait plus que d’autres spécialités par l’effet direct et « immédiat » de notre intervention sur le patient, en réparant sa fracture ou sa lésion mécanique. Dans les spécialités médicales, l’efficacité du traitement peut être plus longue à obtenir.
Lors de mon internat, j’ai eu l’occasion de pratiquer en orthopédie générale, en chirurgie vasculaire et en chirurgie du rachis. Cette dernière m’intéressait particulièrement. J’ai réalisé mon clinicat à Bordeaux de 2017 à 2020, dans le service d’orthopédie du Pr Jean-Marc Vital avec le Pr Olivier Gille, le Pr Vincent Pointillart et le Dr Ibrahim Obeid. J’ai beaucoup appris auprès d’eux, mais aussi auprès du Pr Jean-Charles Le Huec et du Pr Jean-Luc Jouve, spécialiste de la prise en charge de la scoliose à l’hôpital de la Timone à Marseille.
Je me suis installé à l’Hôpital Privé du dos Francheville, à Périgueux, en novembre 2020. Nous sommes une équipe de quatre chirurgiens avec les Drs Vincent Challier, Jean-Étienne Castelain et Matthieu Campana, qui sont des collègues et amis depuis mes études de médecine.
Lors de mon internat, j’ai eu l’occasion de pratiquer en orthopédie générale, en chirurgie vasculaire et en chirurgie du rachis. Cette dernière m’intéressait particulièrement. J’ai réalisé mon clinicat à Bordeaux de 2017 à 2020, dans le service d’orthopédie du Pr Jean-Marc Vital avec le Pr Olivier Gille, le Pr Vincent Pointillart et le Dr Ibrahim Obeid. J’ai beaucoup appris auprès d’eux, mais aussi auprès du Pr Jean-Charles Le Huec et du Pr Jean-Luc Jouve, spécialiste de la prise en charge de la scoliose à l’hôpital de la Timone à Marseille.
Je me suis installé à l’Hôpital Privé du dos Francheville, à Périgueux, en novembre 2020. Nous sommes une équipe de quatre chirurgiens avec les Drs Vincent Challier, Jean-Étienne Castelain et Matthieu Campana, qui sont des collègues et amis depuis mes études de médecine.
Aujourd’hui, quels sont vos domaines d’intervention ?
Je suis spécialisé en chirurgie du rachis, en particulier celle des déformations de la colonne vertébrale, qu’elles soient congénitales, idiopathiques ou dégénératives (de novo) : scoliose, hypercyphose, canal lombaire étroit, spondylolisthésis dégénératif lombaire, etc. Ce dernier a d’ailleurs fait l’objet de ma thèse et j’ai publié plusieurs articles à ce sujet. Nous prenons en charge aussi les hernies discales (cervicales ou lombaires), les urgences traumatologiques (fractures, entorses, luxations) et oncologiques (pour réduire une compression médullaire due à des métastases lombaires, par exemple).
Le patient est toujours au centre de notre accompagnement
Occupez-vous des fonctions dans des sociétés savantes ?
Je suis membre de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot), de la Société française de chirurgie rachidienne (SFCR) et de l’EuroSpine (Société européenne de chirurgie de la colonne vertébrale).
J’ai réalisé plusieurs présentations orales en chirurgie du rachis pendant mon clinicat, notamment pour présenter ma thèse au congrès annuel de la SRS (Scoliosis Research Society) qui est l’un des plus réputés sur la colonne vertébrale. Plus récemment, je suis notamment intervenu au congrès de l’IMAST (International Meeting on Advanced Spine Techniques) en octobre 2023, et à la SRS en septembre 2024, pour y présenter une étude portant sur une classification que j’ai mise au point avec mon maître et ami le Pr Olivier Gille , .
J’ai aussi créé une association, IDRISS (Institute for Development, Research and Innovation of Spinal Surgery – Institut d’équipement, de recherche et d’innovation en chirurgie rachidienne), et nous avons récemment embauché un attaché de recherche clinique. Cela nous permet d’être assez actifs auprès des sociétés savantes, notamment en publiant régulièrement des articles scientifiques sur nos travaux.
J’ai réalisé plusieurs présentations orales en chirurgie du rachis pendant mon clinicat, notamment pour présenter ma thèse au congrès annuel de la SRS (Scoliosis Research Society) qui est l’un des plus réputés sur la colonne vertébrale. Plus récemment, je suis notamment intervenu au congrès de l’IMAST (International Meeting on Advanced Spine Techniques) en octobre 2023, et à la SRS en septembre 2024, pour y présenter une étude portant sur une classification que j’ai mise au point avec mon maître et ami le Pr Olivier Gille , .
J’ai aussi créé une association, IDRISS (Institute for Development, Research and Innovation of Spinal Surgery – Institut d’équipement, de recherche et d’innovation en chirurgie rachidienne), et nous avons récemment embauché un attaché de recherche clinique. Cela nous permet d’être assez actifs auprès des sociétés savantes, notamment en publiant régulièrement des articles scientifiques sur nos travaux.
Quels sont, selon vous, les enjeux actuels et les innovations les plus marquantes dans votre discipline ?
Les innovations sont nombreuses dans notre domaine.
En termes de techniques chirurgicales, l’objectif est d’être le moins invasif possible, en réduisant la taille des incisions et en minimisant le délabrement des tissus mous adjacents. Nous sommes aidés en cela par les progrès des instruments chirurgicaux mini-invasifs et par les outils de visualisation : loupes chirurgicales, microscope ou encore l’endoscopie.
La navigation a révolutionné nos pratiques grâce à la radiographie en trois dimensions et au scanner peropératoires, qui fournissent une acquisition d’images en temps réel. Cela nous permet d’être extrêmement précis pour positionner des vis pédiculaires ou effectuer un geste d’ostéostomie, par exemple. L’Hôpital Privé du dos Francheville devrait être équipé d’outils de navigation en 2025. Cela nous aidera dans notre pratique, en particulier pour des situations complexes, mais nous sommes bien entendu formés à exercer sans ces outils. Pour cela, nous réalisons une préparation rigoureuse de l’intervention : analyse précise de l’imagerie du patient, prise de mesures et repères anatomiques, planification pré-opératoire vertèbre par vertèbre. Certains laboratoires proposent d’ailleurs une simulation de l’intervention, à partir de l’imagerie et de la stratégie chirurgicale prévisionnelle que nous leur envoyons. Grâce à un logiciel dédié, la planification est détaillée étape par étape et une tige sur mesure est élaborée. La prise en charge est ainsi personnalisée et spécifique à chaque patient.
Les prothèses discales ont aussi connu des progrès considérables. Chez des patients jeunes, elles sont utilisées pour préserver la mobilité et éviter de réaliser une arthrodèse qui bloquerait l’articulation.
De même, les matériaux sont de plus en plus légers, résistants et durables dans le temps.
Tous ces éléments concourent à la récupération améliorée après chirurgie (RAAC). Aujourd’hui, la réhabilitation du patient est meilleure et plus rapide, la douleur est moindre et les résultats fonctionnels sont optimisés. Très fréquemment, la prise en charge s’effectue en ambulatoire avec un passage au bloc le matin, une reprise de la marche l’après-midi et un retour à domicile le soir : c’est le cas pour une hernie discale ou une pose de prothèse cervicale, par exemple. Une seule nuit d’hospitalisation est prévue en cas d’intervention par les voies antérieures. Dans les années 1980-2000, les patients étaient hospitalisés plusieurs semaines ou mois, avec des corsets ou des plâtres d’immobilisation. Aujourd’hui, grâce à l’amélioration des matériaux et des instrumentations, nous pouvons utiliser des dispositifs plus légers et facilitant la mobilité, comme une ceinture lombaire ou un collier cervical, que le patient porte de façon intermittente quand il en ressent le besoin.
En termes de techniques chirurgicales, l’objectif est d’être le moins invasif possible, en réduisant la taille des incisions et en minimisant le délabrement des tissus mous adjacents. Nous sommes aidés en cela par les progrès des instruments chirurgicaux mini-invasifs et par les outils de visualisation : loupes chirurgicales, microscope ou encore l’endoscopie.
La navigation a révolutionné nos pratiques grâce à la radiographie en trois dimensions et au scanner peropératoires, qui fournissent une acquisition d’images en temps réel. Cela nous permet d’être extrêmement précis pour positionner des vis pédiculaires ou effectuer un geste d’ostéostomie, par exemple. L’Hôpital Privé du dos Francheville devrait être équipé d’outils de navigation en 2025. Cela nous aidera dans notre pratique, en particulier pour des situations complexes, mais nous sommes bien entendu formés à exercer sans ces outils. Pour cela, nous réalisons une préparation rigoureuse de l’intervention : analyse précise de l’imagerie du patient, prise de mesures et repères anatomiques, planification pré-opératoire vertèbre par vertèbre. Certains laboratoires proposent d’ailleurs une simulation de l’intervention, à partir de l’imagerie et de la stratégie chirurgicale prévisionnelle que nous leur envoyons. Grâce à un logiciel dédié, la planification est détaillée étape par étape et une tige sur mesure est élaborée. La prise en charge est ainsi personnalisée et spécifique à chaque patient.
Les prothèses discales ont aussi connu des progrès considérables. Chez des patients jeunes, elles sont utilisées pour préserver la mobilité et éviter de réaliser une arthrodèse qui bloquerait l’articulation.
De même, les matériaux sont de plus en plus légers, résistants et durables dans le temps.
Tous ces éléments concourent à la récupération améliorée après chirurgie (RAAC). Aujourd’hui, la réhabilitation du patient est meilleure et plus rapide, la douleur est moindre et les résultats fonctionnels sont optimisés. Très fréquemment, la prise en charge s’effectue en ambulatoire avec un passage au bloc le matin, une reprise de la marche l’après-midi et un retour à domicile le soir : c’est le cas pour une hernie discale ou une pose de prothèse cervicale, par exemple. Une seule nuit d’hospitalisation est prévue en cas d’intervention par les voies antérieures. Dans les années 1980-2000, les patients étaient hospitalisés plusieurs semaines ou mois, avec des corsets ou des plâtres d’immobilisation. Aujourd’hui, grâce à l’amélioration des matériaux et des instrumentations, nous pouvons utiliser des dispositifs plus légers et facilitant la mobilité, comme une ceinture lombaire ou un collier cervical, que le patient porte de façon intermittente quand il en ressent le besoin.
De façon plus globale, quelles sont les problématiques de prises en charge ?
La complexité de nos prises en charge demande une coordination pluridisciplinaire de tous les intervenants auprès du patient : médecin généraliste, rhumatologue, médecin rééducateur, radiologue, anesthésiste, cardiologue si besoin, etc. Cela nécessite souvent beaucoup de temps médical ou administratif en amont et en aval de l’intervention chirurgicale, afin que le parcours de soins du patient soit organisé au mieux. La phase de rééducation s’accompagne d’une éducation à la prévention, car le « temps biologique » doit être respecté pour que la cicatrisation soit complète et la récupération, optimale. Ce temps peut être très variable d’une personne à une autre : de façon générale, un patient jeune et sportif, ayant une bonne musculature et n’étant pas particulièrement stressé ou angoissé, récupérera mieux et plus rapidement qu’une personne âgée et fragile. Mais nous intervenons aussi, de plus en plus, auprès de patients très âgés, ce qui les aide à conserver leur autonomie le plus longtemps possible.
Que diriez-vous de la place du patient dans votre domaine ?
Le patient est toujours au centre de notre accompagnement et le traitement que nous lui proposons est précisément personnalisé et adapté à sa situation. Nous prenons le temps de lui expliquer les caractéristiques et l’histoire naturelle de sa pathologie, les modalités du traitement médical et/ou chirurgical que nous envisageons, avec les bénéfices qui peuvent être attendus et les risques associés, en fonction de ses antécédents et comorbidités.
Au final, c’est lui qui décide de la nécessité de l’intervention chirurgicale et du meilleur moment pour la réaliser, car il s’agit la plupart du temps d’un traitement fonctionnel visant à réduire son handicap, ou à améliorer sa mobilité et son autonomie dans la vie quotidienne. Tout est une question de balance bénéfices/risques.
Au final, c’est lui qui décide de la nécessité de l’intervention chirurgicale et du meilleur moment pour la réaliser, car il s’agit la plupart du temps d’un traitement fonctionnel visant à réduire son handicap, ou à améliorer sa mobilité et son autonomie dans la vie quotidienne. Tout est une question de balance bénéfices/risques.
Quels sont les sujets de recherche actuels et les perspectives dans votre discipline ?
Dans notre domaine, de nombreuses recherches s’intéressent aux biomatériaux, aux « implants intelligents » permettant d’avoir accès à des données in situ. Par exemple, une vis connectée pourra fournir, en direct, le pourcentage de pression ou d’usure du matériau dont elle est constituée. Plusieurs laboratoires travaillent actuellement sur ce sujet et nous devrions, dans un futur proche, disposer de ces innovations.
De même, il est possible d’imaginer qu’une injection de biomatériaux pourrait fournir une analyse sanguine complète, alors que celle-ci nécessite aujourd’hui un prélèvement.
L’intelligence artificielle, avec le machine learning, va encore se développer et constituera une aide précieuse pour la prédiction des résultats chirurgicaux, l’aide au diagnostic et la planification opératoire. En effet, l’analyse statistique d’un très grand nombre de variables comme l’âge du patient, les antécédents, les types de pathologie, les traitements reçus, etc., permettra, à terme, de « prédire » plus précisément les résultats.
Les thérapies cellulaires vont certainement aussi progresser, et les cellules souches nous permettront sans doute à l’avenir d’obtenir la régénération d’un cartilage ou d’un tissu.
Concernant plus particulièrement notre structure, nous avons embauché récemment un attaché de recherche clinique avec lequel nous réalisons des études pour évaluer nos pratiques. Par exemple, des séries rétrospectives donnent des éléments de comparaison sur la durée de récupération de nos patients selon l’intervention (pose de prothèse/arthrodèse) ou la voie d’accès (antérieure/postérieure). Certaines de nos études descriptives sont randomisées. L’objectif est toujours de proposer au patient le meilleur traitement possible selon les données issues de l’Evidence-based medicine. Nous avons aussi un projet d’unité de recherche clinique qui s’intéressera en particulier à l’étude du mouvement et de la marche.
De même, il est possible d’imaginer qu’une injection de biomatériaux pourrait fournir une analyse sanguine complète, alors que celle-ci nécessite aujourd’hui un prélèvement.
L’intelligence artificielle, avec le machine learning, va encore se développer et constituera une aide précieuse pour la prédiction des résultats chirurgicaux, l’aide au diagnostic et la planification opératoire. En effet, l’analyse statistique d’un très grand nombre de variables comme l’âge du patient, les antécédents, les types de pathologie, les traitements reçus, etc., permettra, à terme, de « prédire » plus précisément les résultats.
Les thérapies cellulaires vont certainement aussi progresser, et les cellules souches nous permettront sans doute à l’avenir d’obtenir la régénération d’un cartilage ou d’un tissu.
Concernant plus particulièrement notre structure, nous avons embauché récemment un attaché de recherche clinique avec lequel nous réalisons des études pour évaluer nos pratiques. Par exemple, des séries rétrospectives donnent des éléments de comparaison sur la durée de récupération de nos patients selon l’intervention (pose de prothèse/arthrodèse) ou la voie d’accès (antérieure/postérieure). Certaines de nos études descriptives sont randomisées. L’objectif est toujours de proposer au patient le meilleur traitement possible selon les données issues de l’Evidence-based medicine. Nous avons aussi un projet d’unité de recherche clinique qui s’intéressera en particulier à l’étude du mouvement et de la marche.
L’objectif est de proposer au patient le meilleur traitement selon les données issues de l’Evidence-based medicine
Quels sont les projets que vous souhaitez développer dans les années qui viennent ?
J’aimerais développer la formation des jeunes chirurgiens. Dans notre service, nous sommes deux chirurgiens membres formateurs de la Sofcot, et nous avons constitué un dossier auprès de l’université, pour accueillir prochainement des internes. C’est une chance, car c’est relativement rare dans le secteur privé.
Que représente pour vous « l’excellence médicale » ?
Pour moi, l’excellence médicale demande de poursuivre sa formation continue pour pouvoir proposer les meilleurs traitements, se tenir au courant des dernières innovations, développer les techniques et les moyens dont nous disposons, travailler en équipe pluridisciplinaire et faire vivre l’éthique médicale au quotidien, avec notamment une information claire et transparente du patient et un plan de soins personnalisé.
Quel est selon vous le rôle du chirurgien du rachis dans la société ?
Les pathologies du dos et de l’appareil locomoteur sont « le mal du siècle ». La santé de notre dos et notre posture reflètent bien souvent le bien-être ou le mal-être de notre société. Dans ce cadre, le chirurgien a d’abord un rôle d’information, d’éducation, de prévention et d’accompagnement du patient tout au long du parcours de soins. Le versant « mécanique » et technique de notre fonction intervient en dernier lieu, finalement ! L’éducation, l’accompagnement du patient et la formation des jeunes chirurgiens sont primordiaux.
Je pense que tout ce qu’on entreprend doit être fait avec passion : c’est ce qui nous rend performants dans notre métier. Notre objectif est de soulager les souffrances et d’améliorer la qualité de vie des personnes. Si nous le faisons avec passion et éthique, la confiance s’installe facilement.
Je pense que tout ce qu’on entreprend doit être fait avec passion : c’est ce qui nous rend performants dans notre métier. Notre objectif est de soulager les souffrances et d’améliorer la qualité de vie des personnes. Si nous le faisons avec passion et éthique, la confiance s’installe facilement.
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Propos recueillis par Emmanuelle Barsky